Le plastique : un classique du design du XXe siècle
Le Vitra Design Museum consacre jusqu’au 4 septembre 2022 une exposition consacrée au plastique – Plastic : Remaking Our World -, qui revient sur une des plus extraordinaires aventures industrielles du siècle précédent, jusqu’à évoquer les solutions de pointe qui existent aujourd’hui pour une utilisation plus durable de ce matériau. Cet article retrace en partie l’histoire de l’utilisation du plastique dans le design moderne et contemporain, des premiers appareils en bakélite au tournant « pop » des années 60 et 70.

L’histoire du plastique démarre au début du XXe siècle avec l’invention de la bakélite, un matériau issu de l’industrie chimique utilisé pour ses propriétés isolante et thermorésistantes. Très à la mode dans la première partie du XXe siècle, la bakélite est un excellent isolant électrique. Utilisée pour fabriquer de nombreux ustensiles de cuisine, elle inonde les foyers. Les fabricants de boîtiers en sont aussi friands pour concevoir les postes de radio et les téléphones. Fait important : les industriels commencent à prendre en compte l’aspect et la forme des objets qu’ils produisent.

Avec l’essor du design industriel, les fabricants d’objets manufacturés en matière plastique accordent de plus en plus d’importance à l’aspect des produits écoulés sur le marché. De l’autre côté de l’Atlantique, Raymond Loewy, le pape du design industriel, affirme que la « laideur se vend mal ». Selon lui, les industriels doivent produire des objets à l’allure esthétique pour être vendus.

Au début des années 50, le stratifié formica ou mélanine connaît un véritable engouement sur le marché européen. Il permet de décliner du mobilier dans des tons très colorés, résiste à la chaleur et est facile à entretenir. Il habille notamment les plans de travail des cuisines et devient un des matériaux star des 30 Glorieuses.



Alors que les polymères envahissent progressivement la production industrielle des biens d’équipements, les grands designers de l’après-guerre vont profiter des évolutions technologiques en cours pour moderniser le mobilier. Charles & Ray Eames utilisent les propriétés de la résine de polyester renforcée de fibre de verre, jusqu’alors utilisée dans l’industrie militaire, pour concevoir une chaise avec une coque d’assise réalisée d’un seul tenant. En 1950, ils lancent sur le marché une série de chaises révolutionnaires : les Fiberglass chairs. La coque, moulée en fibre de verre, s’avère très confortable ; le concept est poussé jusqu’à la production en série.

Crédit photo : Design Market

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L’invention des Eames est d’autant plus réussie qu’elle ouvre la voie à un mobilier très coloré, qui deviendra quelques années plus tard un des symboles des années « Pop ». Les chaises Eames se déclinent en bleu, jaune, noir, ocre et rouge… La technologie évoluant, Vitra réalise des versions avec une coque en polypropylène : les Fiberglass originales deviennent des « Plastic Chairs ».
Les années 60 et 70 marquent en effet le triomphe d’un design pétillant aux couleurs vives. Perméables aux pigments, les matières plastiques autorisent des couleurs inimaginables jusqu’ici. Le designer danois Verner Panton crée la 1ère chaise monobloc en plastique moulé et aux couleurs vives, la fameuse Panton Chair ou Chaise S, et remporte un vif succès. Les plastiques moulés par injection autorisent toutes les formes, les designers peuvent laisser libre cours à leur imagination !

Crédit photo : Design Market


Crédit photo : Design Market

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Symbole de ces années dédiées au « tout-plastique », l’éditeur italien Kartell se spécialise peu après sa création en 1949 dans la production de mobilier en plastique. Sous la conduite de son fondateur, Giulio Castelli, ingénieur chimiste de formation qui suit l’enseignement de l’inventeur du polypropylène, Giulio Natta (colauréat du prix Nobel de chimie en 1963 pour ses travaux sur les polymères), et de son épouse et collaboratrice, l’architecte Anna Castelli Ferrieri, Kartell devient l’emblème du design Made in Italy. En 1964, la firme lance la chaise pour enfants 4999. Certains spécialistes considèrent la 4999 conçue par Marco Zanuso et Richard Sapper comme la 1ère chaise 100% plastique (polyéthylène). 4 ans plus tard, Joe Colombo réalise pour Kartell la chaise 4867, 1ère chaise entièrement réalisée en ABS moulé par injection.


D’autres avancés majeures dans l’industrie du plastique permettent aux designers de créer des pièces originales, le plastique s’adapte aux formes et à la fonctionnalité souhaitée. Beaucoup de designers expérimentent ainsi la mousse de polyuréthane (caoutchouc mousse synthétique) qui vient combler le volume de certaines créations (matelas, remplissage de sièges et de coussins, etc.). Sa légèreté en fait un atout majeur et autorise une grande liberté.




Dans les années 80, le plastique fait moins recette, même si certains designers utilisent les propriétés extraordinairement transparentes du PMMA, plus connu sous les noms de Plexiglas® et aujourd’hui Altuglas®. L’un des maîtres du verre transparent est le japonais Shiro Kuramata, qui dès 1976 propose sa Glass chair. Kuramata récidive avec d’autres modèles, et notamment la fabuleuse Miss Blanche, réalisée en matière plastique transparente.



Vers la fin du XXe siècle, Philippe Starck, l’enfant terrible du design français, dessine avec succès des pièces qui jouent avec la luminosité en utilisant le polycarbonate transparent, un substitut populaire du verre. Sa chaise Louis Ghost est devenue un classique et un best-seller du design contemporain avec plus d’1 million d’exemplaires vendus.



François Boutard